Sunday, April 13, 2008

L'ivoirité

Je vous avais parlé dans ces colonnes de la bolivianidad, qui était une sorte de concept assez flou que les Boliviens sortaient de derrière les fagots quand il ne savait pas expliquer quelque chose, une sorte de “ oui mais tu ne peux pas comprendre, c’est la bolivianidad ». Je voudrais aujourd’hui vous parler de l’ivoirité, un concept identitaire autrement plus précis que celui de la bolivianidad et qui a eu des effets politiques profonds, lui. Je m’empresse de préciser que je m’aventure sur un terrain miné parce que c’est pas simple d’essayer de vous expliquer l’ivoirité en un post, c’est même assez dangereux. Si on peut rire de la bolivianidad, c’est difficile de rire de l’ivoirité. Ironiquement, j’aborderai la question de l’ivoirité en parlant du cosmopolitisme. En effet, il y a une chose qui surprend quand on débarque à Abidjan, c’est son atmosphère cosmopolite : restaurants vietnamiens, chauffeurs de taxi burkinabè, hommes d’affaires libanais, artisans sénégalais. Le cosmopolitisme ne s’arrête pas à la capitale. Dans les régions ivoiriennes, les ressortissants étrangers sont présents dans les villes et les campagnes, surtout à l’ouest (zone de culture du café et du cacao), en provenance des pays du nord, moins bien lotis que la Côte d’Ivoire en termes de terres agricoles et de ressources forestières, le Mali, la Guinée, et le Burkina Faso principalement. D’ailleurs, les Ivoiriens déterminent immédiatement qui est autochtone et qui est allogène, c'est-à-dire qui appartient à la communauté d’origine et qui appartient à la communauté qui a migré à la recherche de terres plus fertiles. Et vous pouvez vivre et cultiver la terre dans une région depuis 20 ans, vous êtes toujours allogènes, a fortiori étrangers, aux yeux des autochtones. Ces déplacements de population ne datent pas d’hier. Les colons avaient provoqué de nombreux déplacements de population en pratiquant le travail forcé dans les plantations. Ensuite Houphouët Boigny avait favorisé la venue d’étrangers de la région ouest africaine en leur accordant les mêmes droits en matière d’accès à la terre et au suffrage pour favoriser le développement agricole et affermir les bases politiques de son régime. Selon le recensement de 1998, 26 % de la population est étrangère, un chiffre qui montre qu’il y a proportionnellement plus d’étrangers en Côte d’Ivoire qu’en Espagne ou en France. Dans les années 1990, la Côte d’Ivoire entre dans une période de turbulence économique et d’incertitude politique. Le creuset voulu par Houphouët va être au cœur de tous les débats. Le successeur d’Houphouët, le président Bédié organise un groupe de réflexion sur l’ivoirité ; il demande à des intellectuels de réfléchir à « un nouveau concept identitaire établissant scientifiquement les critères de la citoyenneté ivoirienne ». Qui est ivoirien, qui ne l’est pas? Dans un pays devenu indépendant en 1960, dont les frontières ont été stabilisées en 1943, on devine que ce débat va susciter des échanges assez houleux. Des expressions à la signification assez floue deviennent populaires : Ivoiriens de fibres multiséculaires, Ivoiriens d’origine, Ivoiriens de souche. Plus crue et rappelant d’autres pays et d’autres contextes politiques, la Côte d’Ivoire aux Ivoiriens. Au delà de « qui est ivoirien? », c’est aussi les questions de « qui peut être candidat? », « qui peut être électeur? » et « qui peut être propriétaire de la terre ?» qui sont posées. Dans un pays attachée à l’autochtonie et qui traverse une grave crise économique, difficile de répondre sereinement à ces questions. Nouvelle constitution, nouveau code électoral. Certains politiciens voient leur éligibilité remise en cause. Les populations du nord se sentent exclues. C’est le début du conflit identitaire dans lequel se débat toujours la Côte d’Ivoire, après certes de multiples épisodes et revirements de situation, que je garde pour de prochains posts. Désolée pour le long texte mais impossible de faire court sur l'ivoirité!
Les citations et explications sont tirées de Géopolitique de la Côte d’Ivoire, de Christian Bouquet.

1 Comments:

Anonymous Anonymous said...

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5:03 PM  

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