Sunday, October 27, 2013

Le moment du thé

Le moment du thé au Tchad, c’est tout le temps. Le matin, vous arrivez au camp, hop les gendarmes vous offrent un thé pour bien démarrer la journée. Pendant la matinée, vous faites une visite à domicile, on vous offre le thé en signe d’hospitalité et de remerciement. Vous faites une pause, vous vous installez à l’ombre d’un arbre sur la natte d’une cafeteria improvisée et vous achetez pour 100 XAF un verre de thé pour vous revigorer. Vous déjeunez, à la fin du repas, vous sirotez une petite tasse de thé pour faciliter la digestion. Vous quittez le camp, les gendarmes vous offrent à nouveau le thé pour la route! A ce rythme-là, vous avez bien absorbé 4 ou 5 thés dans la journée. Il ne faut pas perdre de vue que souvent la tasse de thé est « doublée », c’est-à-dire que l’on vous en offre deux. Les Soudanais et les Tchadiens commencent à boire du thé très jeunes et tiennent plutôt bien la route (du thé)! J’ai vu un petit Soudanais de deux ans se régaler avec les fonds des tasses de thé des adultes de la maison et en redemander; il se porte comme un charme et est très éveillé pour son âge, preuve que le thé a bien les vertus bienfaisantes et stimulantes qu’on lui prête! Le thé est souvent prêt, la théière sur le feu (voyez comment la théière de la photo a vécu!) ou on vous le prépare en un tour de main. Il se boit brûlant, rouge ou vert, et très sucré. Vous avez beau demander « chouïa soukar », on ajoutera deux ou trois cuillères de sucre dans une petite tasse ou on sucrera généreusement le thermos dans lequel le thé est conservé. Ça vous aidera à patienter jusqu’au prochain repas ou à le sauter si vous n’avez rien pour faire bouillir la marmite. Le moment du thé au Tchad, c’est aussi le moment de la pause, de la conversation conviviale, du partage, où l’on échange sur tout et rien pour apprendre à mieux se connaître et où vous sentez, sans équivoque, sans chichi ni hypocrisie, la chaleur et le sens de l’hospitalité de vos hôtes.

Saturday, October 19, 2013

Les salamalecs

Je ne sais pas si ça vous est déjà arrivé mais il y a parfois des mots dont vous n’êtes pas sûrs du sens, vous les entendez, vous comprenez plus ou moins ce dont il s’agit mais vous ne pourriez pas en donner une définition précise. Puis, un jour, une situation vous permet d’en saisir le sens exact. Tout tombe sous le sens ! C’est ce qui m’est arrivé avec « salamalecs ». Un beau matin, à Koukou, j’étais dans ma chambre et comme les parois du préfabriqué qui me sert de chambre sont vraiment très fines, j’entendais tout ce que les personnes chargées du nettoyage se disaient. On en était aux salutations. Ca donnait à peu près ca : « bonjour, ça va ? Ça va bien, hamdulillah. Ça va ? Oui, oui ça va, hamdulillah. Et la famille ça va ? Oui, ça va, machallah (équivalent de hamdulillah). Et toi ça va ? Et ta femme ça va ? Oui ça va, machallah. Et toi ça va bien ?... » Le tout en arabe. Un échange interminable de « ça va ? », « et toi ça va ? » et « oui ça va, grâce à Dieu » entre les mêmes personnes. Mortel! Je suis ensuite sortie de ma chambre pour aller jusqu’au bureau et là, pendant quelques minutes, j’ai entendu un nombre incalculable de « salam aleikum » et « aleikum salam ». Comme les Tchadiens ont tendance à raccourcir, ça donne « salam aleik » suivi des inévitables « ça va ?», « ça va bien, hamdulillah ». Parfois, on a l’impression que l’échange va terminer et qu’on va passer à autre chose. Hé bien, non, ça reprend de plus belle : « ça va ? », « ça va bien, hamdulillah ». Franchement mortel. Quand je suis rentrée dans mon bureau, ma tête bourdonnait de « salam aleik » et là tout d’un coup j’ai eu une illumination et je me suis dit que « salamalecs » venaient du fameux « salam aleikum » ou plutôt de son raccourci « salam aleik ». Bingo ! C’est bien ça et ça veut bien dire ce que ça veut dire : « politesses excessives » ! C’est clair. Je crois que je n’ai jamais vu des gens qui se saluaient autant que les Tchadiens et les Soudanais. Les comparaisons sont difficiles et pas très scientifiques mais je dirais que les Soudanais donnent encore plus dans les salamalecs que les Tchadiens. Au camp de réfugiés soudanais, les salutations sont vraiment très longues. Aimant aller droit au but et pas très portée sur le protocole, je me surprends souvent à commencer une conversation quand mes interlocuteurs en sont encore aux salutations et à me demander si ma grande tante va bien! Parfois, je perds un peu patience et j’ai envie de leur dire, façon Capitaine Haddock, « c’est pas un peu fini, vos salamalecs! Passons aux choses sérieuses». Avec le temps, on comprend que les salamalecs sont très importants et qu’il vaut mieux ne pas faire l’impasse sur eux. Ça pourrait nuire gravement à vos relations sociales ! On prend l’habitude; un petit « je vais bien, hamdulillah » par ici, un « la famille se porte bien, machallah » par là et le tour est joué, votre interlocuteur est ravi et on peut commencer une conversation, inch allah, fructueuse!