Sunday, September 29, 2013

Soirée bonne!

Je préfère vous le dire tout de suite, les dromadaires n’ont rien à voir avec le thème de ce post mais je les trouve tellement sympathiques que je ne résiste pas à la tentation les utiliser en guise d’illustration. Non, le thème de ce post n’est pas le dromadaire mais le parler local. Comme vous le savez, les commentaires sur le parler local sont un must de pinche pais. Et à Koukou, l’inspiration sur le sujet ne manque pas, l’arabe produisant un effet des plus intéressants sur le Français tchadien. Prenez le « soirée bonne » par exemple. Au début de mon séjour, quand je me suis entendue répondre « soirée bonne » à mon « bonne soirée » durant mes promenades de fin d’après-midi dans le village, j’ai trouvé ça très bizarre. Je me suis demandé si j’avais bien compris. Après un bref moment de réflexion, j’ai pensé à une explication qui m’est immédiatement apparue comme plausible et qui me semble encore tenir la route. En arabe, quand on vous dit « Salam aleikum », vous répondez « aleikum Salam ». Ben, là, c’est pareil avec le « soirée bonne », faut répondre à l’envers. On vous dit « bonne soirée », vous répondez « soirée bonne », et voilà le tour est joué, vous avez une expression de Français tchadien on ne peut plus authentique ! L’arabe est très présent dans le Français tchadien et avec lui les salamalecs, mais ces derniers méritent un post à eux tous seuls, qui ne tardera pas à venir. Autre caractéristique locale, au Tchad, Dieu est appelé à la rescousse pour presque tout, même les choses les plus insignifiantes, et loué quand quelque chose se passe bien. Ça donne à peu près ca : « on se voit demain à la réunion, inch allah » ou « inch allah le véhicule pourra être réparé ». Quand quelque chose a réussi ou s’est bien déroulé, c’est grâce à Dieu, cela va sans dire mais cela va mieux en le disant, donc vous pouvez dire : « tout s’est bien passé, hamdulillah » ou encore « toute la famille va bien, hamdulillah ». Ainsi, les effets de l’arabe sur le Français tchadien sont assez rapidement identifiables, mais il y a certaines expressions dont l’origine m’apparait encore incertaine. Prenez le « je t’arrive » que j’adore. Au lieu de dire, « j’arrive », les Tchadiens disent « je t’arrive ». Incroyable comme l’ajout d’un simple pronom peut avoir un effet puissant sur une expression. Le « je t’arrive » est autrement plus expressif que le « j’arrive » et son effet autrement plus immédiat. Un collègue m’appelle souvent sur mon extension de téléphone avant de venir dans mon bureau. Hé bien, quand il me dit « je t’arrive », je peux être sure qu’il va frapper à ma porte dans la minute qui suit ! Le matin, quand ils vous saluent, les Tchadiens vous demandent souvent si vous êtes bien réveillés. A 8 heures du matin, c’est logique, mais passé les 10 heures, c’est plus original! Les adverbes de quantité sont utilisés bizarrement au Tchad, un peu comme en Côte d’Ivoire. Au lieu de vous dire « il n’y a pas de problème », on vous dira « il n’y a pas assez de problèmes ». Ça surprend au début, vous pensez : il y a des problèmes mais pas en grande quantité, donc vous voulez savoir de quels problèmes il s’agit (vous me suivez toujours?), puis avec un peu d’expérience, vous avez compris qu’on voulait vous dire qu’il n’y avait pas de problème, encore qu’au Tchad les problèmes ne sont jamais bien loin. Pour dire que quelque chose est disponible en petite quantité, on commencera la phrase par : « si c’est trop, il y en a deux ou trois ». Quand vous donnez un rendez-vous, vous « rendonnez » quelqu’un. Je veux finir cette liste non exhaustive d’expressions tchadiennes avec le « fatigué » que j’aime beaucoup également. C’est un peu mon expression chouchou avec le « je t’arrive ». On utilise le « fatigué » pour expliquer que l’on a fait beaucoup d’efforts pour obtenir quelque chose mais qu’on n’y a pas réussi. Vite un exemple pour vous aider à comprendre : « je t’ai appelé, fatigué ». Traduction : j’ai essayé de t’appeler à plusieurs reprises mais sans parvenir à te joindre. «Nous l’avons cherchée, fatigués » : nous avons cherché cette personne longtemps sans réussir à mettre la main dessus. Pas mal, non, le « fatigué » ? Ca raccourcit les phrases, ça dit beaucoup de choses en un mot et a le mérite, comme le « je t’arrive », d’être très expressif ! Je crois que je me suis laissé convaincre et que je vais commencer à les utiliser en France au risque de provoquer quelques regards interrogateurs!

Saturday, September 07, 2013

Welcome to Koukou!


Ce post aurait être publié depuis longtemps, depuis mars 2012 exactement. Mais je ne trouvais pas la force de l’écrire. Il a fallu ce moment très spécial vécu  à Koukou, Goz Amir et Tissi, à l’est du Tchad,  entre mars et juillet 2013 pour me décider. Et pourtant, le Tchad se devait de figurer en bonne place dans ce blog, pour de multiples raisons, personnelles, professionnelles et humaines. Puis, parce que le pays cadre pile poil avec le titre de ce blog ! Mais, comme vous avez pu vous en rendre compte à la lecture des précédents posts, qui aime bien châtie bien. Logiquement « Welcome to Koukou » ont été les premiers mots que j’ai entendus en arrivant à Koukou-Angarana, petite bourgade d’environ 15 000 habitants et sous-préfecture de la région du Dar Sila au Tchad. Ces mots prononcés par le pilote sud-africain du petit avion affrété par UNHAS (United Nations Humanitarian Air Services) sonnent un peu zarbi quand on découvre l’environnement.  Y’a vraiment pas grand-chose, quelques cases, des rues poussiéreuses, des boutiques où on peut acheter du coca cola produit au Soudan (la frontière avec ce pays se trouve à une centaine de kilomètres) et des cartes téléphoniques et, bien sûr, les bases des acteurs humanitaires, qui sont présents à Koukou depuis l’afflux de réfugiés venus du Darfour en 2003/2004 et ensuite le déplacement forcé des populations tchadiennes en 2006/2007. On se demande qui a bien pu avoir l’idée saugrenue de construire une piste d’atterrissage avant l’intervention humanitaire dans un bled pareil, parce que c’est vraiment le bled. Mais la première impression de Koukou fut bonne, peut-être à cause de la lumière de fin d’après-midi en pleine saison sèche, du dromadaire aperçu depuis le hublot de l’avion (plutôt sympathique comme animal) et des gamins qui jouaient au football sur le sable. Koukou devait représenter un tournant professionnel  et n’a pas failli à sa mission. Ça n’a pas été facile tous les jours mais extrêmement gratifiant. A refaire si c’était à refaire. Pour illustrer mon propos, j’ai choisi la photo de cette caravane rencontrée à Koukou après la dernière récolte. Je me disais qu’il y avait quelque chose dans la caravane et le dromadaire qui symbolisait l’endurance, la résistance et la patience que j’associe à mon expérience à Koukou et à l’est du Tchad en général. Dernier détail important : le blog est de retour et résiste encore et toujours face aux facebook, twitter et autres conneries dans le même genre.