Monday, November 26, 2007

On dit quoi?

Cette compagnie de téléphonie mobile ne s’est pas trompée en choisissant pour slogan publicitaire “on dit quoi Abidjan?”. C’est sans aucun doute l’expression de la prise de contact en Côte d’Ivoire. Dans cette société avide de nouvelles et marquée par le désoeuvrement et la rapidité de circulation des rumeurs, quand vous vous approchez d’un groupe d’amis ou de connaissances, la formule consacrée, c’est « on dit quoi ? ». Le plus probable, c’est qu’on vous réponde « on dit rien » mais le contact est établi. On peut lancer la conversation. C’est un peu l’équivalent du « ¿qué hay ? » andalou, du « what’s up ? » américain ou du « sak pasé ? » haïtien. Si vous demandez à quelqu’un comment ça va, il vous répond « ça va un peu ». Je ne saurai pas vous dire si c’est du à la crise mais le fait est que l’on ne va jamais très bien en Côte d’Ivoire. Une autre caractéristique du français ivoirien c’est que l’on vous souhaite la bonne arrivée au lieu de vous souhaiter la bienvenue. Les restaurants bars bon marché où l’on peut manger en plein air sont des maquis et portent les noms les plus divers et les plus invraisemblables : Le Point Final, Soweto, Notre Dame, La Persévérance etc. J’en passe et des meilleurs. Dans les maquis, on peut manger du poulet braisé qui n’est rien d’autre que du poulet grillé. En français ivoirien, on utilise aussi fréquemment l’article « la » mais après le substantif. La structure rappelle le créole haïtien. Ca donne quelque chose comme « ah ce maquis la ! ». Peut être à cause de la crise, les Ivoiriens parlent pudiquement de tracasseries routières, une expression qui décrit les extorsions dont ils sont les victimes sur les barrages routiers rebelles et gouvernementaux. Quand vous vous adressez à un jeune dans la rue dont vous ne connaissez pas le nom, vous pouvez l’appeler « chef ! ». Les Blancs sont les toubabs. Faire les papiers de blancs, c’est obtenir son extrait de naissance. Les « gens qui font papiers » sont les magistrats. Le travail, c’est le service. Au lieu de dire ça prend deux heures pour aller de Man à Daloa, on vous dira « c’est deux heures de temps ». Quelque chose d’endommagé est gâté en Cote d’Ivoire. Voila pour un premier inventaire des spécificités du français ivoirien. N’adoptez pas ces expressions car vous risquerez de détraquer votre français selon une de mes collègues !

Tuesday, November 20, 2007

Le vieux

En entrant dans le bureau du préfet de Madinani (région du Denguélé), on découvre que le portrait qui orne les murs, c’est toujours celui de Félix Houphouët Boigny, le premier président de la Côte d’Ivoire, plusieurs fois ministre sous la 4ème République Française. Pourtant le vieux, comme le surnomme les Ivoiriens, est décédé en décembre 1993 et depuis de l’eau a coulé sous les ponts. Henri Konan Bedié (1993-1999), Robert Guei (1999-2000) et Laurent Gbagbo (2000 - ?) se sont succédés à la présidence. C’est un peu comme si en France le portrait du Général De Gaulle ornait toujours les murs des préfectures et des mairies. Il est vrai que plus de 30 ans à la tête d’un pays, de l‘indépendance au début des années 1990, ça marque. Sans compter que ces années correspondent aux années de gloire de la Côte d’Ivoire. Le pays était stable, prospère, construisait des routes, des infrastructures, des basiliques, électrifiait à tout va. La perle de l’Afrique de l’Ouest attirait les ressortissants des pays voisins en quête de travail et de meilleures conditions de vie. Abidjan et Yamoussoukro (la ville natale du vieux dans la région des Lacs devenue capitale) affichaient des allures de grandeur aujourd’hui mises à mal par la crise. De cette époque, les Ivoiriens ont gardé un certain air de supériorité – on les appelle les Argentins de l’Afrique de l’Ouest - et la nostalgie pour le système Houphouët, aujourd’hui idéalisé.


Sunday, November 18, 2007

Les matins de Man

Par ces temps de grève des transports en France, j’apprécie mieux mes conditions de travail en Côte d’Ivoire. Le bureau se situe à environ 8 kilomètres de la maison sur une route goudronnée. Apres le petit déjeuner (nescafé et papaye) et le journal de Télé Matin sur France 2, il suffit de sauter dans son camioneton, régler la radio sur ONUCI FM, la fréquence de la paix, et conduire une quinzaine de minutes, en évitant les nombreux piétons, les troupes de chèvres et moutons qui déambulent paresseusement sur la chaussée et parfois un singe qui traverse sans crier gare. Arrivée au carrefour Zélé, vous attendez qu’un rebelle vous ouvre nonchalamment la barrière pour poursuivre votre route et quelques centaines de mètres plus loin d’un vert intense, vous arrivez sur la base militaire qui abrite les bureaux de l’ONUCI à Man. Palmiers, jardins à l’anglaise soignés par les Bengalais, des citernes d’eau potable, un cadre de travail somme toute agréable. Evidemment, suivre le journal de Télé Matin et se lancer ensuite sur les routes des 18 Montagnes peut produire un certain déphasage culturel avec des conséquences psychologiques graves mais pour l’instant ça me permet de me considérer plutôt chanceuse.

Sunday, November 04, 2007

Les 18 Montagnes

Durant mon court séjour à Odienné, je m’étais demandée si je pourrai ressentir pour cette ville ce que je ressens pour Cap Haïtien ou Sucre, un certain attachement, une tendresse, une nostalgie. Rien n’était moins sûr et je dois dire que je n’ai pas regardé en arrière en quittant Odienné la semaine passée pour Man, la capitale de la région des 18 Montagnes, où je suis réaffectée. C’est à trois heures de route goudronnée d’Odienné en direction d’Abidjan. 150 000 habitants, la grande ville, surnommée la « ville des 18 montagnes » parce qu’elle serait entourée de 18 montagnes, vous l’auriez deviné. Mais, entendons nous bien, ce sont des montagnes de rien du tout, qui à Sucre passeraient pour des collines puisque le point culminant ne dépasse pas 1218 mètres. Dix huit Montagnes, ça m’a bien plu, ce nom. Bon, ça fait aussi penser aux mille collines de triste mémoire et nous avons une radio des 18 montagnes ici. Mais espérons que les associations d’idées et les comparaisons s’arrêteront là même si c’est une des régions les plus touchées par la guerre. La ville a été prise par les rebelles en septembre 2002, reprise par les troupes gouvernementales en octobre 2002 et enfin reprise par les rebelles en novembre 2002 pour rester entre leurs mains. Toute la région est sous le contrôle des Forces Nouvelles depuis 2002 sauf pour un département resté au sud de la zone de confiance, le département de Zouan Hounien. Les paysages des 18 Montagnes sont beaucoup plus beaux qu’à Odienné, plus luxuriants, le relief est plus accidenté, la terre plus fertile, le ciel souvent chargé de nuages. Il y a des cascades, plein d’arbres imposants, des plantations de café, de cacao, des exploitations forestières également. Avant la crise, Man était un centre touristique important en Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, cinq ans après, les rues sont animées, on s'y attarde pour bavarder entre amis, des commerces s’ouvrent, on petit-déjeune sur la terrasse de La Brioche, la pâtisserie de la ville. Une ambiance qui laisse penser qu’on pourrait aussi s’attacher à Man et aux 18 montagnes.